La tâche s’annonce ardue mais Aïssatou se sent prête. C’est en écoutant une syndicaliste à la radio qu’elle s’est décidée à exiger que son employeur la déclare. Contrairement à tant d’autres, la jeune femme de 22 ans ne subit aucune violence domestique. En revanche, elle ne supporte plus les journées de quinze heures, les jours de repos aléatoires et les brimades des enfants. Encore moins son statut de petite bonne sans droit et son qualificatif humiliant de « servante ».

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En 2018, 3 533 travailleuses domestiques ont été déclarées à Abidjan alors que les Aïssatou sont des centaines de milliers. Personne ne sait vraiment combien d’ailleurs. Pas même les autorités qui, après une tentative avortée en 2014, ont à nouveau convié les acteurs de la société civile à participer, fin novembre, à la rédaction d’une loi pour encadrer ce secteur. « On est ravis de cette nouvelle initiative, mais on reste vigilants, déclare Chantal Ayemou, la directrice du Réseau ivoirien pour la défense des droits de l’enfant et de la femme (Riddef). En 2014, après de longues discussions, il ne s’est rien passé, sans que l’on comprenne vraiment pourquoi. »

Esclavage moderne

Son association a publié en 2015 l’une des rares études chiffrées (à partir d’un échantillon) sur la servitude domestique à Abidjan. Les violences subies par les bonnes non déclarées y sont listées, laissant entrevoir l’étendue des chantiers auxquels devrait s’attaquer la future loi. On y apprend qu’une travailleuse sur quatre est victime de violences sexuelles, et que plus d’un tiers d’entre elles (35 %) n’a droit à aucun jour de repos, à aucun salaire et subit, au quotidien, humiliations, séquestrations et privations de nourriture. Si l’Organisation internationale du travail (OIT) et les Nations unies qualifient ces situations de « servitude », les associations sur le terrain n’hésitent pas à parler d’esclavage moderne.

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